Nino Ferrer

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J’avais seize ans lorsque ma mère m’emmena dans une magnifique demeure cachée dans la nature lotoise.

Je savais, bien sur que je me rendais chez Nino Ferrer, mais ce que je ne pouvais encore imaginer à ce moment là, c’était l'importance et la longévité du lien qui allait m’unir à cette famille. La rencontre fin évidente et magique, porteuse de la douce ivresse du rêve qui se réalise. Ce rêve, c'était mon rêve de musique que, déjà, j'incarnais en accompagnant ma voix à la guitare. Mais quand la question de Nino arriva, alors que je venais de chanter un morceau, ce fut comme une fenêtre s'ouvrant sur un soleil immense qui m'inonda de sa chaleur.

- « Ca te dirait de venir faire les choeurs pour moi ? »

Ma réponse ne se fit pas attendre car tout mon être criait « oui ! ». Je cherchais dans le regard de ma mère une approbation que je lus aussitôt et ce oui fut le début d'une aventure riche, passionnante , tumultueuse, qui allait à tout jamais s'inscrire en moi, participant à créer la personne que je suis aujourd'hui.

Durant quatre années le partageais la vie musicale et familiale de Nino. En concerts, répétitions, enregistrements ( 3albums), tournées, radios, télés, à l’Olympia, à Bobino ...

Et puis aussi à « la Taillade », la maison de Nino, lieu qui revolutionna ma vision du quotidien. La musique, la nature, les animaux, les fêtes, les contingences, les gens de passage ou non, tout ça simultanément. Une vie foisonnante d’émotions, de rires, de pleurs, de colères, de chansons.

Ma relation avec Nino était faite d’un mélange de respect, de crainte, d'humour, de confiance. Je le trouvais tour à tour impressionnant ou puéril. Nous n’avions pas la même façon d’exprimer nos sentiments, mais j’ai toujours senti sa générosité totale envers moi, son respect, sa tendresse et je sais qu’il appréciait ma sincérité. Je le remercie pour tout ce qu'il m'a donné.

Au centre de la tribu, une femme, la femme de Nino, la mère de Pierre et Arthur : Kinou. J'éprouvais de l'émerveillement à regarder cette femme évoluer dans sa grande maison ; Jonglant entre les repas pour quinze personnes, les chats, les chiens, les chevaux, le téléphone, le jardin, la peinture, les enfants, les visites, l'administration, les courses, les pannes, le bricolage, la disponibilité pour les demandes de chacun, etc.

et tout ça, perchée sur des talons, dans des robes magnifiques !

Oui, toutes ces choses là concordaient à me faire prendre conscience du cadeau que la vie m’avait fait...

Mon chant s’épanouissait peu à peu à côté de Nino et des musiciens. Nino me proposa très vite d'interpréter un morceau toute seule sur scène, sur lequel il m'accompagnerait au piano. Je choisis « Sumrnertime », un stantard du jazz. Ce choix fut celui qui allait me conduire vers ma future carrière musica1e : chanteuse de jazz.

Dans un premier temps, tout en continuant à jouer avec Nino, je m'essayais dans divers styles de musique en créant des groupes sous mon nom. Puis, je quittais Nino (que je continuais de retrouver ponctuellement durant des années), pour voler de mes propres ailes. Suivirent quinze années de Jazz en petites formations, en big-bands, ponctuées de rencontres avec de grands musiciens américains. Je participais à de grands festivals comme Marciac ou je fis la première partie de Lionel Hampton à vingt-quatre ans ; Vienne, en première partie de Georges Benson, Touiouse, en première partie de Chet Baker, etc.

Parallèlement je chantais dans des groupes de Salsa, je fus choriste de studio avec des artistes comme Axelle Red ...
De toute cette période sont nés divers enregistrements, mais le seul sous mon nom, celui que j’ai porté du début à la fin, c’est un disque en trio avec deux des musiciens qui ont le plus compté : « A child is born » le bien nommé !

J’éprouve beaucoup de tendresse pour ce disque. Ma vie sans lui ne serait pas la même. Grâce son enfantement, j'ai eu la sensation d’un aboutissement qui m’a permis de passer à autre chose.

Ont suivi des années de remise en question, de doutes, de souffrances, des tentatives nouvelles initiatiques (comme accompagner au tambour ma meilleure amie, danseuse de flamenco !), de longs moments de silence aussi, nécessaires pour moi après toutes ces années très intenses.

Puis, il y a maintenant deux ans, dans ce moment de reconstruction, alors que je ne savais plus où me poser, Kinou m'a invitée à venir habiter à la Taillade et je la remercie pour cela ... et pour tout.

Nino n'est plus là, mais il est là à travers ce qu'il a créé, à travers ce lieu de vie qui est un écrin fait pour l'échange, le recueillement, l'expression, l'entraide et qui se doit de perpétuer ce désir de partage que Nino portait au fond de lui.

Alors, bien-sûr, la musique continue. C'est une musique riche, joyeuse, délirante, et cette musique, c'est la musique d'Arthur, le plus jeune fils de Nino que j'ai connu bébé alors que son frère Pierre était déjà un grand petit garçon. Et c'est grâçe à la musique d'Arthur que, petit à petit, j'ai retrouvé l'envie de chanter et la joie d'apprendre un nouvel instrument : la batterie.

Car dans « Arthur et Junétakaté », le groupe que nous avions formé (d'abord Arthur, Etienne et moi, puis ensuite, Romain et Charlie), je jouais de la batterie en chantant ; et je trouvais ça totalement jubilatoire !

...Quand je réalise qu'à l'âge de 16 ans, je débutais avec Nino et que 20 ans plus tard,c'est grâce à Arthur que je renouais avec la musique, je me dis que notre histoire est belle.

Je trouve que la vie peut être surprenante et merveilleuse et que notre cerveau est trop étriqué pour entrevoir les possibilités qui peuvent s'offrir à nous...

Aujourd'hui c'est l'enseignement qui prédomine dans ma vie professionnelle. Je viens de passer cette année à transmettre mon experience, dans une école de musique pour de petits groupes d'élèves et chez moi pour des cours particuliers. Cela pourrait bien ressembler à une nouvelle vocation ! ...Pour ce qui est de la scène, mon désir n'est plus aussi fort et c'est plutôt l'enregistrement d'un nouveau disque qui me "titille". Car au cours de cette année, j'ai également fait une rencontre importante et incroyable: j'ai rencontré le musicien avec qui je rêvais de chanter, dont j'achetais tous les disques, mais qui est américain et qui vivait à New-York...Et bien ce musicien est venu s'installer dans ma ville et il m'a appellée !!!!!!!!
Nous avons entrepris une collaboration et peut-être un jour, en recueillerons-nous les fruits gorgés de musique ...

« Ce qui nous attend dépasse nos espérances »
Je vous souhaite plein de joie et d'amour !!